UN LIEU
INSPIRANT
Au crépuscule du XIXeme siècle, l’art connaît encore une multitude de métiers destinés aux artistes… Préparateurs de couleurs, verriers, mosaïstes s’installent à l’époque dans cet atelier en fond de cour dont la lumière du nord, froide et magnifique, permet de travailler les couleurs sans déformation. Ces petits métiers tendent à disparaître, l’artisanat affiche sa détresse devant une industrialisation qui veut apporter un souffle nouveau et « moderne » à tous les secteurs du quotidien, les commandes se font rares et la guerre de 1914 éclate.

Feuilles de verre bleu

Un vitrail de Raphaël Lardeur des années 30

La table de montage des vitraux et les feuilles de verre de couleur.
« L’atelier est un lieu de création où la pensée peut se déployer dans l’intimité et la liberté qu’exige l’art. »
Gérard Lardeur

Scène de genre, Raphaël Lardeur

Les époques se télescopent, le temps fait son oeuvre

En 1921, Raphael Lardeur rentre de la Grande Guerre en Orient, trouve la maison familiale du nord détruite, sa mère morte, son père au désespoir. Il invente alors sa vie et, doué d’un talent de dessinateur, devient maître verrier et occupe tout l’atelier.
Il va très vite devenir une figure de Montparnasse et de Saint Germain des Prés, fréquente assidument la Brasserie Lipp dont le propriétaire, Germain Cazes, devient un ami proche, y rencontre artistes, écrivains, musiciens et tient « salon » tous les jours à 5 heures comme le raconte Audiberti dans Dimanche m’attend.
Concevant des vitraux exclusivement pour les monuments religieux, ses incursions dans le vitrail civil sont rares mais marquantes, il trouve dans l’atelier la hauteur sous verrière propice aux montages des fenêtres gothiques et multiplie les réalisations, monte son atelier avec pas moins d’une quinzaine d’ouvriers et rencontre le succès.
Scènes bibliques et scènes de la vie quotidienne, inspiration religieuse ou populaire, il va marquer les années 20 et 30, créatives et prolifiques jusqu’à ce qu’à nouveau une guerre funeste n’éclate. A l’issue du conflit, il faudra réparer, remonter, recréer mais les années 50 arrivent qui balaient là encore le passé.

Dessin de Gérard Lardeur, année 60.
C’est alors son fils, Gérard Lardeur, qui reprend le flambeau et va s’exprimer dans ce lieu singulier désormais chargé d’histoire et de sens. Lui vit son temps, passionné d’abstraction et d’art. Il va devenir à son tour un maitre verrier important à qui l’on confiera la création des vitraux d’églises magnifiques, souvent romanes. La spiritualité, moderne et incisive, alliée à une vision de l’humain, généreuse et combative, lui permettent de créer des écritures abstraites, jeux de lignes entrecroisés formant l’ombre ou la lumière, des réseaux dynamiques et tridimensionnels, traçant la route du devenir humain à la lumière de sa foi. Dans les années 60, il crée également des sculptures en corten et inox toujours dans l’atelier et commence à réaliser des structures qui, placées derrière les vitraux, enrichissent encore cette écriture abstraite.
Il meurt en 2002, ses fils s’orientent vers la sculpture et la photographie, sa femme et sa fille choisissent de donner une autre vie au lieu.
« Le propre de l’œuvre d’art étant de se suffire à elle-même, toute explication la trahit de quelque façon. »
Gérard Lardeur, 1989

Vitrail de Gérard Lardeur, église de Saint Just, jour de pose.

Sculptures et dessins de Gérard Lardeur, années 80 et 90.